Un exemple de revitalisation
La revitalisation de la Venoge à la Roujarde, projet suivi par AVV
(Travail de «bachelor » d’Arnaud Eggimann ancien membre du comité AVV)
Au lieu dit « la Roujarde » entre les communes de Penthaz et Gollion, la Venoge dans son état naturel jouit d’une riche dynamique alluviale et est sujette à la méandrification. La forêt alluviale bordant le site est d’ailleurs classée « zone alluviale d’importance nationale » et répertoriée en tant qu’objet numéro 121 dans l’inventaire des zones alluviales de l’OFEV. La Venoge est à cet endroit également directement protégée par le PAC. En rive droite de la Venoge passe la ligne CFF Lausanne-Yverdon qui relie aussi le bassin lémanique à la Suisse alémanique et à Paris via Vallorbe.
La rivière à cet endroit fait un méandre qui se rapproche dangereusement de la voie ferrée. L’érosion dynamique qui n’a fait que s’accentuer ces dernières années rapprochant ainsi toujours plus un méandre de la rivière de la ligne de chemin de fer. En un peu moins de 20 ans, la rivière a creusé quelques 20 mètres en direction des rails. L’intensification de ces phénomènes s’inscrit dans la tendance relevée par l’OFEV d’augmentation des débits de pointe des rivières suisses due d’une part à l’imperméabilisation des surfaces des bassin versant, d’autre part à une intensification des phénomènes pluviaux (réchauffement climatique).
La capacité d’écoulement du cours d’eau est à cet endroit sensiblement réduite par les processus de charriage et dépôt à l’intérieur des méandres. Les inondations s’épanchent sur les surfaces agricoles situées entre les voies CFF et la forêt alluviale, dont l’exploitation se retrouve menacée.
Lors d’évènements extrêmes comme ce fût le cas lors des crues de 2002 et 2007, l’eau est montée de près d’un mètre le long du talus CFF. Cette infrastructure datant de la fin du XIXe siècle se retrouve alors menacée dans sa stabilité par l’érosion statique : l’eau qui gorge le terrain du remblai risque inévitablement d’entraîner les particules fines du terrain et d’en causer l’affouillement.
En 2007, un rapport technique du bureau « SD Ingénierie Lausanne SA » relève une sécurité insuffisante de l’infrastructure et préconise des mesures d’urgences, qui seront réalisées dès le printemps 2008.
Ces mesures d’urgence consistent à stopper l’érosion dynamique de la berge qui menace toujours plus la voie CFF. D’une part, une intervention de curage du lit est effectuée. Elle vise en retirant mécaniquement des sédiments accumulés dans la rivière à en augmenter la capacité d’écoulement. D’autre part, des épis déflecteurs sont aménagés dans la partie extérieure du méandre. Créant artificiellement de la turbulence, ces derniers ont pour effet de concentrer les forces érosives au milieu de la rivière et d’éviter alors quelles ne rongent la berge extérieure. Ces épis, réalisés en partie à l’aide de techniques végétales, sont construits de manière à pouvoir être démontés à terme lors de la mise en place d’une solution définitive. Le financement des mesures d’urgences est partagé entre les crédits ordinaires du SESA, les communes concernées et les CFF.
Description de la réalisation: Arnaud (poster2 ROUJARDE) 5
Ainsi, grâce à la bonne coordination du projet, l’infrastructure ferroviaire a pu être protégée de manière durable, tout en rendant à la nature un espace de quelques 5 ha, qui plus est à proximité d’une zone complètement naturelle déjà classés. On peut ainsi s’attendre à ce que bon nombre d’espèces cibles déjà présentes dans la forêt alluviale colonisent rapidement le milieu ici crée.
D’une manière générale, cette action fait complètement sens dans un contexte régional d’urbanisation toujours plus intense et d’une perte générale de biodiversité. Si ses retombées sont prouvées, cette réalisation ouvre la voie à d’autres projets de revitalisation pas seulement sur la Venoge mais aussi partout ailleurs.
Conclusion : allier revitalisation et mesures de protection, une piste pour le financement et la réalisation de projets à buts environnementaux ?
Au vu de la réussite que présente les solutions choisies à la Roujarde, on ne peut s’empêcher de se poser deux questions :
- Que se serait-il passé sans l’existence du PAC et sans le travail des associations ?
On peut s’imaginer, et l’expérience du passé le montre, que seule des mesures de protection auraient été prises, sans laisser de place à une quelconque place à des mesures de revitalisation. « Protection sans revitalisation ». Ceci démontre une certaine utilité du travail des associations, même si elles sont parfois casse-bonbons !
- Que se serait-il passé sans la présence de la voie CFF ?
Sans gros objectif de protection, comme ici l’importance nationale avérée que représente cette voie de communication, on peut déplorer jusqu’à un certain point que rien n’est fait pour l’environnement. « Pas de revitalisation sans mesures de protection (ou de compensation) ».
AVV déplore que la sécurité et les mesures de protection passent systématiquement avant les revitalisations. C’est le cas de ce qui se passe actuellement sur le tronçon Lussery-Villars, où le projet consistant en une « revitalisation pure » (non alliée à un objectif de protection en particulier) est toujours à l’étude et n’avance que lentement !
Il y aurait là donc une niche pour le financement de la réalisation des projets à buts environnementaux : s’associer au plus haut degré aux mesures de protection ou de compensation !
Obstacle important : la maîtrise du foncier
Comme déjà mentionné, la mesure réalisée à la Roujarde a été possible par le fait que le Canton acquiert la parcelle où les travaux ont été réalisés.
Un point crucial de tout projet de revitalisation et création d’espaces naturels consiste à la maîtrise du foncier : « pour élargir, il faut être propriétaire du terrain sur lequel on agit, c’est à dire qu’il faut que quelqu’un soit d’accord de vendre ». Cela paraît peut-être trivial ainsi énoncé, mais cette contrainte de base régie par le droit suisse est très souvent limitante dans les projets environnementaux en général.
Arnaud Eggimann, ancien membre du comité d’AVV